Etre en sous-poids en PMA

Je suis ce qu’on appelle un petit gabarit. Ça n’a rien de nouveau, c’est comme ça et ça l’a toujours été. On parle beaucoup de personnes en surpoids en PMA et au quotidien mais rarement de personne en sous-poids et croyez moi, la maigreur constitutionnelle, c’est pas tous les jours marrant non plus.

A 3 semaines de vie, j’ai été hospitalisée en néonat pour un RGO sévère avec œsophagite. Je suis l’aînée, mes parents étaient jeunes, peu sur d’eux, sans beaucoup d’éducation, ils ont eu peur. Les médecins n’ont pas aidé à les rassurer, à la moindre perte de poids, ce sera retour à l’hôpital. Pour, en plus, en remettre une couche, une assistante sociale est venue à la maison, pour voir si tout se passait bien. Donc non seulement, ils ont eu peur pour ma santé, mais ils ont également eu peur qu’on ne leur retire leur bébé. Conséquence de tout ça, mes parents ont été de gros flippés de la nourriture. Pendant des mois, ils ont mis leur réveil la nuit pour me réveiller et tenter de me faire prendre un biberon. A part s’épuiser, ça n’a pas servi à grand chose. Lors de la diversification, ma mère m’a avouée très récemment qu’elle faisait du forcing jusqu’à ce que j’ai des haut-le-cœur. Elle l’a réalisé en me voyant faire la même tête que lorsque j’étais bébé devant une banane. Ça m’a permis de comprendre pourquoi j’ai encore des haut-le-cœur rien qu’à la vue/odeur de certains aliments. Plus tard, interdiction de sortir de table si l’assiette n’était pas finie. Bref vous l’aurez compris, ça ne m’a pas aidé à apprécier les bons repas ou la nourriture en général.

Pendant longtemps, je n’ai pris aucun plaisir à manger. Une perte de temps ! C’était une nécessité vitale et c’est tout. Si on m’avait proposé d’être nourrie par sonde gastrique, j’aurais sans doute pas mis longtemps a accepter. Quand on me demandait mon avis sur le choix d’un resto, je répondais toujours la même chose, « choisissez, ça m’est complètement égal ».

A l’entrée à l’école d’infirmière, je pesais 48 kg et j’ai été très vexée de me voir refuser la possibilité de donner mon sang. Et oui, il faut peser au moins 50 kg et je ne les atteignais pas. J’ai bien essayé de négocier, franchement pour 2 kg, c’est rien, je suis en bonne santé, au pire vous en prenez moins. Je me suis alors mis en tête de prendre les 2 pauvres kilos manquant pour aller donner mon sang. Peine perdue, je suis ressortie de l’école avec 5 kg de moins. Le stress, les repas manqués, les aller et venus dans les couloirs, mobiliser les patients, ça ma fait perdre du poids. A la cantine un autre étudiant, en voyant mon assiette de frites m’a dit « tu ne vas pas manger tout ça ! ». Ce n’était même pas une question mais une évidence pour lui. « Je vais me gêner tiens et pourquoi je ne pourrais pas manger ça ? ». Vu mon gabarit, pour lui, je faisais forcément très attention à mon poids, et j’allais prendre une salade ou picorer 2 ou 3 frites. Non, non, j’ai mangé mon repas, dont mon assiette de frites sous son regard choqué.

Une fois diplômée, fraîchement embauchée, j’ai du aller à la médecin du travail. Des réflexions sur mon poids j’en avais déjà eu mais là, j’ai trouvé sa remarque hallucinante et déplacée. « Vous n’êtes pas bien grosse. Maintenant que vous vivez seule, vous pensez que vous êtes capable de vous faire à manger toute seule ? Vous pouvez venir à la cantine de l’hôpital sur vos repos si vous le souhaitez ». Et c’est là que ça en devient blessant.  Du fait de mon poids, je suis automatiquement cataloguée, anorexique, dépressive, maniaque du contrôle, infantilisée. Et ça, c’est quand on ne me sort pas un diagnostic de vers solitaire ou d’Helicobacter pilori et qu’il faut que je fasse une fibroscopie de toute urgence. D’ailleurs à cette époque là, mon IMC était dans la case « anorexique ». Depuis la classification a changé et je rentre dans la case « maigreur » avec un IMC à 16.8. Selon la définition, l’anorexie c’est une diminution voir une perte totale d’appétit. Et ce n’est pas du tout mon cas. Voilà comment, la médecine te catalogue direct. Et puis c’est comme pour les personnes en surpoids, si tu consulte un médecin pour le moindre problème, c’est forcément la faute de ton poids, inutile de chercher plus loin.

En PMA ça donne quoi ? Alors déjà, j’ai failli être tout simplement refusée à cause de mon poids. heureusement, je n’avais aucun signe qui pouvait montrer que mon poids était en cause dans notre infertilité (aménorrhée, perte de cheveux, dosages hormonaux perturbés…). Le médecin m’a demandé de prendre 5 kg avant le début du traitement. J’en parlerai plus loin, c’est peine perdu et pourtant, j’ai essayé. Ensuite du fait de mon faible poids, j’ai reçu des doses de stim faibles. Là dessus, j’ai vraiment eu les boules, parce que 3 FIV et 3 fois, « oups les doses étaient sans doute trop faible mais avec votre poids, on ne voulait pas prendre de risque… ».

En arrivant chez Hope, elle m’a demandé si j’étais végétarienne, végétalienne, sans gluten ou autre machin dans le genre. Non, non, je suis difficile, c’est vrai mais je mange à peu près de tout. Je ne suis aucun régime et je ne compte pas les calories. Quelques mois plus tard, mon poids revenait sur le tapis. « J’ai bien essayé de prendre du poids, j’ai pris 2 kg, ça me rend malade et je les repère aussi sec ». Normal selon Hope puisque je serais, selon elle, une contrôle freak. La preuve, je ne serais pas capable de lâcher prise et de m’accepter avec 2 kg de plus. Alors NON, NON et NON ! Je ne suis pas contrôle freak ! Ça n’a rien à voir. Je serais absolument ravie de peser 5 à 10 kg de plus. Tenter de prendre du poids me rend littéralement malade. Je suis nauséeuse, incapable de dormir parce que la position allongée est très inconfortable quand mon estomac est plus que plein même si j’ai bien attendu 2 ou 3h avant de me coucher, mon corps me dit clairement stop. Ya plus de place, tu n’en a pas besoin, tu arrête de manger ! Comme lors d’une gastro ou après un repas de Noël où rien que la vue ou l’odeur de nourriture te rebute. Exactement pareil. Rien de surprenant dans ma famille, ma mère est sortie de la maternité plus mince qu’avant sa grossesse et ma grand mère est plus maigre que moi malgré 3 enfants. Hope a alors commencé à comprendre et à me croire surtout (!) et en conclu donc que je suis une « vrai maigre ». Mais il a quand même fallu que Mon Chéri confirme pour qu’elle me croit. Maintenant je pense qu’elle a enfin compris mais ça a pris longtemps. Je suis certe quelqu’un d’organisé mais pas contrôle freak.

Les pires remarques que j’ai pu entendre ?

-Vous avez mangé aujourd’hui ? (Elle revient souvent celle là).

-La chance ! Tu sortiras de la maternité, en ayant perdu tous tes kilos de grossesse.

-Tu verras quand tu auras eu un enfant, tu prendras du poids comme tout le monde.

A de nombreuses reprises j’ai tenté de prendre du poids. J’ai parlé avec une diététicienne, rajouté du gras dans tout mes repas, fractionné en mangeant toutes les 2h, profité des mes alitements PMA en grignotant toute la journée. J’ai même mis mes espoirs dans la prise de poids liée aux traitements de PMA. J’ai pensé que le changement de boulot et d’être assise toute la journée allait m’aider mais même pas. Le moindre kilo pris avec moult difficulté est très rapidement reperdu sans que je m’en aperçoive. Une seul fois Mon Chéri a insisté pour que je finisse mon assiette. Parce que dans sa famille si tu ne finis pas, ça veut dire que ce n’est pas bon. On était dans les début de notre relation, je n’ai pas voulu le vexé, et il l’a très rapidement regretté. Je n’étais vraiment pas bien. Il a tout de suite compris que quand je dis que mon estomac est plein, c’est qu’il est plein.

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Une diététicienne avec qui je bosse m’a déculpabilisée lorsqu’elle m’a vu avec une collègue, encore plus maigre que moi, manger des compléments alimentaires hypercaloriques du service, qui était, où allait se périmer, et qu’on devrait jeter. Elle nous a dit d’arrêter de nous prendre la tête, on pourrait bien faire tout ce qu’on veut que ça ne changerait absolument rien. Et au final, je dois admettre qu’elle a raison. Ça fait maintenant 9 ans que mon poids revient toujours au même. Que je passe plusieurs jours sans manger dans les moments de déprime ou que je gloutonne tout ce que je peux les rares jours où j’ai l’impression que mon estomac est un puits sans fond, on en revient toujours au même point. Alors j’avais arrêté de me prendre la tête et je commençais enfin à apprécier la nourriture, les restos, les repas livrés à domicile 😍. Depuis que j’ai réussi à me détacher de mon addiction au sucre, je me découvre même une nouvelle passion pour le salé. Malheureusement, pendant une période, les remarques de Hope m’ont vraiment blessée, j’ai culpabilisé, ai retenté de prendre du poids, et je me suis mis la pression. Après la dernière ponction et l’alitement, j’affichais 2 kg de plus sur la balance. Noël est passé. Dans ma belle famille où il n’y a rien de plus important, ou presque, que la nourriture et, donc, où j’ai eu l’impression de passer le plus clair de mon temps à manger. En rentrant, j’ai failli fracassé la balance qui m’annonçait que les 2 kg étaient reperdus.

Au diable la balance, depuis, je fais au feeling en essayant quand même de limiter la casse et puis voilà !

15 commentaires sur “Etre en sous-poids en PMA

  1. J’avais une copine avec le même métabolisme que toi, j’imagine, à l’école … sur 20 ou 25 ans que je l’ai côtoyée, elle ne s’est jamais défait de ses bras et jambes tout minces… vu que je la connaissais depuis petite, c’est vrai que je ne me suis jamais dit qu’elle était anorexique (franchement qui devient anorexique à 5 ans?) … mais j’imagine aisément que c’est pas le cas, de gens qui ne la connaissent pas. Par contre, je ne suis pas une spécialiste, mais il y a une différence entre son physique (sèche, mais avec des muscles) et celui de mes copines qui faisaient de l’anorexie (corps plat et semblant plutôt mou, sans tonus)… mais voilà, c’est peut-être une interprétation erronée et de toute façon, les gens ne font pas autant dans le détail…

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  2. Je te comprends tellement. Jusqu’à mes 17 ans j’étais maigre comme un clou, la nourriture je m’en fichais à part le grignotage qui marchait bien mais qui ne me faisait pas prendre 1g. J’ai tellement complexé des remarques de tout le monde, et surtout adolescente, que j’ai supplié mon medecin de m’aider à prendre du poids. J’avais pris des comprimés de Periactine, ça te fait perdre toute sensation de satiété et ça te fait dormir. Resultat j’ai pris du poids, j’étais contente, mais bonjour les vergetures que je paie encore aujourd’hui. Et à l’arrêt du traitement j’ai tout reperdu évidemment… mais avec le temps j’ai pris progressivement… et le regard sur la maigreur avait changé alors je me sentais moins comme une extra terrestre avec mon 34. Mais oui les remarques peuvent faire mal. Une collègue m’avait dit «  tu ferais mieux de ne pas sortir sinon tu vas t’envoler » ou « t’arrives a marcher avec des jambes aussi maigres ? » « les filles en bikini a la plage avec pas grand chose des des os je trouve ça répugnant »
    Depuis j’ai pris quelques petits kilos qui font que je suis rentrée dans la catégorie gabarit « normal »… mais ca n’enlève pas 30 ans de remarques…

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    1. Déjà faut arriver à en trouver du 34 et je parle même pas du 32 !
      Le coup de s’envoler on me le fait encore. Globalement je me fou du côté « esthétique ». C’est plus le côté infantilisant que je prend mal. Sous entendu que je suis incapable de prendre soins de moi alors d’un enfant…

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    1. Si grossesse il y a, c’est couru d’avance. De toute façon pendant la grossesse ya moyen de faire chier sur tout et n’importe quoi. C’est toujours trop ou pas assez, c’est jamais bien . Par contre faudra pas que Mon Chéri soit là parce lui est presque capable de compter les calories que je mange. Faudrait pas que son bébé ou moi manquions de bouffe.

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  3. Le poids c’est toujours mi-figue mi-raisin… Quand tu n’en as pas assez on te prend la tête avec quand tu en as trop on te prend la tête avec sauf que le problème c’est que les choses de la vie font que tu peux en prendre ou en perdre ou alors ton métabolisme est comme ça point!

    Je comprends que les médecins soient toujours obnubilés avec cette idee de corps parfait au niveau des chiffres et tout ça, mais malheureusement on est tous différents et le principal c’est que la santé n’en pâtisse pas surtout surtout que toi tu te sens bien comme ça.

    Tu sais moi qui ai pris énormément de poids depuis le décès de mes filles, je n’arrête pas d’entendre qu’il faut que je perde du poids qu’il faut que je perde du poids qu’il faut encore que je perde du poids, sauf que je stagne au même poids depuis plusieurs mois ce qui veut dire que mon corps se sent bien comme ça pour l’instant et surtout quand tu est déjà dans des multiples frustration dans la vie tous les jours aller vers un régime pour te faire prendre ou te faire perdre du poids c’est extrêmement stressant pour l’esprit et surtout pour le corps.

    Bref comme plusieurs l’ont déjà dit Plus haut tu fais comme tu peux et surtout comme toi tu veux le principal c’est toi avant tout. Je comprends leurs normes mais il y a aussi l’humain qui doit rentrer en compte. Encore une fois si toi tu te sens bien comme ça et que tu es en bonne santé c’est le principal avant tout.

    (Oui je sais j’ai un avis bien tranchée sur la question 😅)

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    1. On fait comme on veut mais surtout comme on peut. Après ya quand même mon côté infirmière qui dit attention au poids s’il entraine des problèmes de santé. J’avoue que j’apprécierais que Mon Chéri perde beaucoup de poids et de mon côté je fais très attention à ne pas en perdre. Par contre plus de régime chez nous, de toute façon, on n’a jamais réussi à tenir dans le temps.

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  4. Oh comme je te comprends… pendant longtemps je pesais 40 kg, c’était mon poids de forme. J’ai tellement souffert des remarques blessantes (« mais mets un maillot une pièce, on voit tes côtes, que c’est moche ! » et j’en passe…) que j’ai réussi à prendre 10 kg, au prix d’un régime alimentaire horrible. Résultat : des carences, maux de tête et de bide… mais au moins j’ai arrêté de m’habiller au rayon enfants. La bonne blague c’est que les remarques, elles, sont toujours là, quoi qu’on fasse… un médecin a même réussi à me mettre l’extrême prématurité de mon fils sur le dos. J’en pleure encore. Quand tu tomberas enceinte, ça sera horrible aussi… TOUT LE MONDE se met à parler de ton poids, tout le monde a un avis… bref.

    C’est pas un commentaire très joyeux et j’en suis désolée, avec tes mots tu as réussi à fendiller une carapace vieille de 20 ans. À travers tes écrits je te sens beaucoup plus forte que moi, j’espère donc que toutes ces remarques à la c** ne t’atteignent pas trop. Tu as ton métabolisme, les autres on s’en cogne (même si moi j’arrive pas x)), le plus important c’est d’être bien dans sa peau. Comme quoi on en PMA on vous met vraiment tout sur le dos punaise… courage ❤

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    1. Mais attend c’est super de s’habiller au rayon enfant, tu peux avoir des chaussettes roses et c’est moins cher !!
      SI JAMAIS, je tombe enceinte (parce que soyons honnête c’est très mal barré), je me fous royalement des commentaires sur mon poids tant que le bébé est en bonne santé. Et après 4 ans 1/2 (pour le moment) de parcours PMA, j’ai appris à m’entourer de professionnels bienveillant et à répliquer aux remarques déplacées. Je ne me laisse plus faire.
      Après des remarques, j’en ai eu des bien pires tout au long de ce parcours, notamment que j’étais responsable de ma fausse couche parce que je n’avais sans doute pas fait ce qu’il fallait. Et puis si on parle de poids en PMA, on a longtemps mis l’infertilité masculine de Mon Chéri sur le compte de son surpoids. Pas de chance c’était pas la cause de l’infertilité mais le symptôme d’une maladie rare responsable de ce surpoids et de l’infertilité. Diagnostic trop tardif, on ne peut désormais plus rien faire.
      Alors finalement le côté esthétique et l’avis des autres, c’est un peu le cadet de nos soucis. On fait déjà du mieux qu’on peut, et les autres on s’en fou.

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